Pascal Queslin : «Et si on rémunérait les supporters ?»
La rédaction

Pascal Queslin a lancé Ultras Pros, un mouvement pour professionnaliser les supporters. Le cofondateur de SeFaireAider.com souhaite que les supporters tirent avantage d’un business qu’ils enrichissent au quotidien.

Vous êtes cofondateur de SeFaireAider.com, quel est le concept ? J’ai créé SeFaireAider.com pour aider les entreprises à faire de l’acquisition client via le web. Il y a tout un tas de nouveaux métiers qui arrivent sur le marché. On regarde, on accompagne et on suit ça de très près. C’est le monde en général qui bouge aussi avec tout ce qu’il s’est fait comme des plateformes qui vous permettent de louer les places vides à l’arrière de votre voiture, les chambres vides dans votre appartement etc. Toutes ces initiatives sont intéressantes pour permettre aux français de mettre leur compétence en direct sur le marché, pour pouvoir créer leur propre business et gagner leur vie, en s’affranchissant du pôle emploi en cas de chômage et du statut de salarié. Vous avez lancé Ultra Pros, un mouvement pour professionnaliser les supporters, comment l’idée est-elle née ? En regardant le football, qui est tout de même d’actualité, on nous parle beaucoup d’argent entre les budgets des clubs à coup de centaines de millions d’euros, les dizaines voire les centaines de millions d’euros de coût de transferts des joueurs, la professionnalisation dernièrement des arbitres. Il y a un maillon qui n’est pas très regardé. Et un maillon fort dans le sport et notamment dans le football. Et puis, il y a les supporters. Sans les supporters dans les stades, tout ce business n’existerait pas. Il faut mettre un petit coup pied dans la fourmilière en quelque sorte et se dire : allez qu’est ce qu’on fait pour les supporters maintenant, comment on va faire pour les valoriser ? On leur dit juste allez au stade, achetez des places et des produits dérivés et venez applaudir ? Comment comptez-vous réaliser ce projet ? On n’est pas là pour imposer ou apporter une solution toute faite qu’il faudrait appliquer à la lettre. L’important pour nous serait de pouvoir déclencher des assises autour des supporters, quelque soit le sport, pour voir comment ces gens-là peuvent être valorisé, mieux reconnu, et professionnalisé parce qu’être un bon supporter, ça peut mériter aussi une formation. Nous, avec les artisans, par exemple, on accompagne sur la formation, que ce soit un plombier, un peintre, un menuisier ou autre chose, pas au savoir-faire, parce qu’ils connaissent leur job, mais surtout au savoir-être pour savoir comment se comporter etc. Quand on voit quelques fois des débordements des supporters, ça peut aussi être des actions de formation sur la valeur du sport. C’est une façon de valoriser les gens et d’avoir de meilleurs résultats. Quel lien existe-t-il entre SeFaireAider.com et Ultras Pros ? Il n’y a pas de lien juridique. C’est à l’initiative de SeFaireAider, dont je suis le Président, que j’ai créé Ultras Pros. C’est pour boucler la boucle si vous voulez. D’un côté, on pourrait accompagner et former les supporters, mais on peut les former avec des formateurs, des prestataires de services, qui, eux, sont déjà professionnels dans leur domaine et peuvent accompagner et former les futurs supporters professionnels.

« Tous les supporters ne sont pas ventripotents dans leur canapé à manger des pizzas et à boire des bières devant les matchs »

« Un homme. Un match. Une vie. Un destin » est, en quelque sorte, votre slogan, expliquez-nous … Quand un homme est supporter d’un club de foot, par exemple, on voit qu’il a un engagement très très fort. C’est souvent l’histoire d’une vie. C’est une vie en plus de sa vie professionnelle, en plus de sa vie de famille. C’est quelque chose qui tient depuis longtemps et qui va durer longtemps. On voit rarement des supporters qui vont l’être pendant six mois et puis, terminé. C’est souvent une vraie histoire de vie. Les supporters vont être formé, comment comptez vous organiser cette formation ? Il y a beaucoup à faire. On vient pour proposer un éclairage, un regard. C’est la raison pour laquelle on a demandé à la FIFA la création d’assises. Pour qu’on puisse réfléchir ensemble et trouver des solutions parce qu’il y en a plus autour d’une table que dans la seule tête d’une personne. C’est à faire. Pour l’instant, on fait des propositions mais on n’a pas encore eu de réponse malheureusement. Dans une interview accordée à Surface Magazine, vous expliquez que, comme les sportifs, les supporters pros doivent se préoccuper de leur diététique, est-ce que cela veut dire que le rituel pizza-bière c’est fini ? Ce n’est pas fini (rire). Ce qu’on se dit c’est : est-ce qu’on pourrait en finir avec cette image qui colle aux supporters ? Untel pourra continuer le rituel pizza-bière si ça lui fait plaisir mais tous les supporters ne sont pas ventripotents dans leur canapé à manger des pizzas et à boire des bières devant les matchs. L’âme du supporter c’est aussi et avant tout un sportif et lui aussi va faire attention à ce qu’il va manger ou boire. Selon vous, la formation va jusqu’à la posture à avoir pendant un match de foot, quelle est-elle ? On parle de posture physique mais aussi comportementale. Au niveau du comportement c’est l’instinct au niveau de l’équipe mais également de toute la dynamique sportive. On soutient son équipe mais on respecte aussi l’équipe adverse. Parce que sans l’équipe adverse, il n’y aurait pas de sport, pas de match donc pas de challenge. L’esprit bagarreur est antinomique avec l’esprit sportif. On est sur le challenge et pas sur la violence. Ensuite, l’aspect de la posture physique va avec ce qu’on disait sur la nourriture, la « diététique », dans le sens du bien-être qui est aussi l’univers du sport. Il faut faire attention à son corps. C’est une prise de conscience de comment on évolue avec son corps et son physique. C’est important. Y-a-t-il une posture physique idéale ou est-ce propre à chacun ? La posture physique est propre à chacun par rapport à des conditions personnelles. Une posture pour un adulte, un adolescent ou un senior n’est pas la même selon ses habitudes et son historique. Après, il y a des postures physiques au niveau de l’assise que tous les praticiens de santé savent nous conseiller. On n’a pas inventé la roue là-dessus.

« Si on rémunère le supporter, est-ce que ça ne va pas gâcher l’esprit sportif ? »

Avez-vous pensé à qui allait former les supporters professionnels ? On pense à des gens qui travaillent sur la posture, bien sûr sur la diététique. On pense aussi à de la prise de conscience au niveau de la voix. Parce qu’on sait que les supporters chantent, crient … Utiliser ses cordes vocales de façon à ce qu’on puisse porter sa voix. Et puis après, surtout ce qui est de la prise de conscience sur le comportement. Faire appel à des coachs sportifs, à des anciens sportifs pour faire des prises de conscience et de l’information-formation sur ce qu’est le sport, l’univers du sport, le challenge et les valeurs qui font la beauté du sport. Le football et le sport en général véhiculent de fortes sommes d’argent, grâce aux supporters notamment, est-ce pour cette raison que vous souhaitez qu’ils soient également rémunérés ? C’est une piste. Si on rémunère le supporter est-ce que ça ne va pas gâché l’esprit sportif ? Et on pourrait se poser la même question pour les joueurs eux-mêmes ou ceux qui gravitent autour. C’est une proposition de valorisation en tous les cas. La première idée peut-être par une rémunération mais ça peut être tout autre chose. La valorisation ne se fait pas forcément par la rémunération d’argent. Encore une fois, des assises pour se rencontrer avec tous les acteurs de l’univers sport feront émerger des idées qui iront certainement au-delà de ça. Dans votre projet, le type de rémunération des supporters n’est pas figé, imaginez-vous des rémunérations en nature, des cadeaux ou autre ? Oui, par exemple. C’est pour ça que la revendication est de pouvoir faire ces assises pour voir ce qu’il sera intelligent de faire et de proposer. Et puis, selon les sports surtout. C’est vrai que le football véhicule beaucoup d’argent mais il y a d’autres sports où il y a beaucoup de supporters avec une grande ferveur mais pas forcément de grands moyens financiers directs. Donc ça peut-être d’autres façons de faire. Si la Fifa vous donnait carte blanche, quelle serait votre priorité ? Ma priorité serait de commencer des rencontres avec des membres de la FIFA, des sportifs de haut niveau, de clubs locaux et des représentants de clubs de supporters. Faisons un vrai tour de table pour remonter déjà l’information du terrain. Bénéficiez-vous d’un grand soutien ? Tant que la FIFA ne nous répond pas, j’ai envie de vous dire non. Pour l’instant, nous n’avons pas de manifestation utilisable on va dire. Quels sont vos projets et objectifs précis à court terme ? On va faire en sorte de continuer de faire vivre ce mouvement. Aujourd’hui, il y a du football (le championnat d’Europe des Nations) donc on a sauté sur l’occasion, demain ce sera les JO. On va continuer comme ça jusqu’à ce qu’on obtienne une oreille. Si c’était la FIFA, ce serait merveilleux mais peut-être que ce sera le basket, le volley-ball ou le rugby, je ne sais pas.

« C’est le porteur de cette revendication pour obtenir ces assises »

Bernard est le premier supporter professionnel, comment a-t-il été choisi ? Ce sont les opportunités de la vie on va dire. On l’a choisi parce qu’il incarnait les valeurs sportives, des valeurs d’engagement envers le sport. Il a bien compris ce qu’on voulait initier. On a rencontré plusieurs personnes et ça s’est fait naturellement. Ça a matché avec Bernard donc on s’est lancé dans ce partenariat. Comment réalise-t-il sa mission pendant cet Euro en France ? En étant présent. On a fait quelques manifestations. On tourne quelques vidéos pour expliquer là où veut aller. On organise des rencontres également. Sa mission est aussi d’être présent sur les réseaux sociaux et de reporter cette parole. C’est le porteur de cette revendication pour obtenir ces assises. Quelles sont les innovations prévues pour les Jeux Olympiques ? On réfléchit à la question pour le moment. Et on va voir ce que l’on peut mettre en place. Vous avez réalisé des sondages auprès des supporters pour mener à bien votre projet, comment analysez-vous les chiffres de vos recensements ? J’ai fait faire une étude avec Easypanel pour voir comment le supporter se sentait face au club qu’il supportait. On se rend compte qu’il y a 54% (des sondés) qui nous disent « on se sent très peu valorisé, pas à la hauteur de notre effort de supporter via notre club » Et puis, il y a 81% (des sondés) qui disent « si on pouvait se professionnaliser ce serait, peut-être, pas mal. » Il y a une vraie demande. Vous avez réalisé deux vidéos, ont-elles eu l’effet escompté ? Oui, c’est assez bien suivi et assez bien relayé. En tous les cas, la parole est comprise.  Comme un véritable sportif professionnel, Bernard veut être le meilleur, comptez-vous créer de la compétition entre les supporters pros, créer des équipes ou autre ? Oui, on y pense bien sûr. Quand on parle de valorisation, on veut que le fait de devenir supporter professionnel soit presque un sport. Dans le sens de la compétition sportive. De dire : est ce que je suis le meilleur parce que je m’applique à avoir un comportement impeccable ou est-ce que quand je me maquille aux couleurs de mon équipe c’est bien fait etc. Il y a beaucoup de choses à inventer.

« Ce n’est pas parce qu’on devient supporter qu’on doit s’abimer, se faire mal »

Dans ces vidéos, Bernard apprend à résister à la pression et à donner de la voix, en quoi est-ce fondamental pour un supporter professionnel ? C’est comme tout, c’est un métier. Quand je crie et que je suis aphone le lendemain, c’est compliqué si je peux plus parler pendant une semaine. Il ne faut pas se casser la voix. C’est pas parce qu’on devient supporter qu’on doit s’abimer, se faire mal. On a un organe qui est la voix. J’ai envie de dire que c’est comme les chanteurs, ça s’entraine : comment on pose sa voix, comment on respire, comment on fait pour que la voix porte plus ou moins loin et le fait d’abîmer ses cordes vocales ou pas. Quel sera le prochain opus ? Il va arriver mais je ne vais pas le défleurir. Combien y-en-aura-t-il ? On en a prévu une dizaine mais je ne sais pas comment ça évolue. Je pense qu’on gardera le même format donc ça risque d’évoluer en nombre. Ce sera un peu vos X commandements du supporter professionnel non ? Non, je n’y avais pas pensé (rire). Mais pourquoi pas ? Je vous remercie pour l’idée, ça mérite réflexion. Si vous jugez bon de former les supporters, est-ce parce que, selon vous, ils sont « incompétents » ou pas assez performant ? Non, c’est accompagner une montée en compétence, une prise de conscience. J’appellerais ça plutôt de l’empowerment (ndlr : une manière de les renforcer).