Si l’Europe domine le football mondial depuis 2006 (Italie puis Espagne vainqueurs du Mondial), la Coupe du Monde au Brésil est pour la Seleçao et l’Albiceleste l’occasion de reprendre le leadership. Encore faut-il en avoir les moyens.
L’Argentine a mis Messi au pouvoir
En chantier depuis plusieurs années, incapable de se hisser dans le dernier carré d’une grande compétition depuis 1990 et sa finale perdue face à la RFA, l’Argentine déçoit. Pourtant, les talents ne cessent de sortir de cette terre fertile, mais le cocktail ne prend pas quand il faut mettre les égos de coté, et former une équipe nationale. Mais quelque chose a changé, un homme est arrivé. Lionel Messi est enfin prophète en son pays. Influent sur le jeu, buteur (10 sur les 6 derniers matches), et leader, le Barcelonais fait l’unanimité. La clé du succès tient dans le fait que ses coéquipiers reconnaissent maintenant que le patron, c’est lui. Aguero, Higuain, Tevez, tout le monde sait que Messi est le meilleur. Tout comme du temps de Maradonna, la présence d’un capo di tutti capi fait taire les ambitions et les égos des autres superstars du groupe. Tous tirent alors dans le même sens, la solidarité nait et les résultats suivent. Comme souvent, ça marche lorsque la sélection devient équipe. Alejandro Sabella a donc réussi cette mission délicate, il ne restait plus alors qu’à renouveler les cadres et travailler tactiquement. Hier, lors de la victoire face au Paraguay, Messi avait 6 joueurs dans son dos. Quatre défenseurs solides et deux milieux techniques (Brana et Gago). Déchargé de toute tâche défensive, il a une liberté totale. Devant Leo, on trouve trois attaquants. Face au Paraguay il y avait Di Maria, gaucher dribbleur, inventif qui a pris de l’étoffe sous la coupe de Mourinho au Real. Lavezzi, capable de donner de la profondeur au jeu, et de jouer n’importe où. Et Gonzalo Higuain, buteur patenté. Trois joueurs très mobiles, très techniques, avec un gros volume de jeu et adeptes du pressing haut. Bref, du sur mesure pour Messi qui part de plus bas par rapport au Barça, mais il dispose de la même liberté. Lorsqu’Aguero ou Tevez intègrent le système, cela change peu car aujourd’hui, la hiérarchie en équipe d’Argentine est fixée. Il y a un nouveau shérif en ville et on se soumet à sa domination.
Le Brésil immature et surestimé
Mano Menezes a le poste le plus recherché en football, il est sélectionneur de la Seleçao. Dans l’inconscient, cela sonne comme un job où il y a l’embarras du choix. Mais en ce moment ce problème de riche est trompeur. Menezes est victime de la « génération Youtube ». Il dispose de joueurs ultra-connus, les rois de la Hype, qui ont gagné leur galons plus par le nombre de clics sur leurs vidéos que sur les terrains du Monde. Comprenez bien que Neymar, Lucas, Ganso, Leandro Damiao ou Oscar ont un talent fou, mais quelle est leur expérience ? Tous jouent au Brésil, et ne nous voilons pas la face, c ‘est un championnat très spectaculaire, mais la rigueur tactique y est inexistante. Les exploits vus sur les vidéos des jeunes pousses auriverde sont autant le fruit de l’exceptionnel talent des joueurs, que de la naïveté terrible des défenses adverses. Lors du dernier titre mondial de 2002, le Brésil disposait de stars ayant triomphé dans les plus grands clubs européens (et donc mondiaux). Ronaldo, Rivaldo, Ronaldinho, Roberto Carlos, Lucio, Zé Roberto et consorts étaient les tauliers de la Liga, Serie A ou Bundesliga. Dans cette liste, il y a trois Ballons d’Or et l’année 2002 avait vu Roberto Carlos, Flavio Conceiçao (Real) et Lucio (Leverkusen) s’affronter en finale de la Ligue des Champions (2-1 pour Madrid). Aujourd’hui, le manque de joueurs d’impacts brésiliens au plus haut niveau en Europe depuis plusieurs années correspond creux de résultats en sélection. Un creux générationnel qui s’est fait ressentir depuis 10 ans. Le milieu de terrain, terreau des victoires du Brésil de tous temps, est actuellement jeune, tendre et ne protège pas assez une défense qui naturellement a tendance à trop se livrer. Les retours de Thiago Silva et Pato (un jour), les arrivées en Europe d’Oscar, Romulo ou encore Lucas au PSG en janvier, vont donner de l’épaisseur aux bambins. A un an et demi de son mondial, tout un pays ne supporterait pas autre chose qu’un titre. Menezes doit secrètement faire l’éloge de la fuite des talents, il en va de la stabilité de son siège éjectable.
Ryad Ouslimani