Jean-Claude Darmon est l’homme qui a fait basculer la planète foot en inventant le sponsoring et les droits télés. Le « grand argentier du football » se livre comme jamais dans une autobiographie à son image : sincère, touchante et pleine de vie. « Au nom du foot », le recueil d’un homme pas comme les autres qui pose un regard sur sa vie et l’actualité d’un monde que le passionne toujours autant : celui du ballon rond.
Que ressentez-vous quand vous avez votre livre, « Au nom du foot », dans les mains ? Je ressens le poids du parcours d’un homme, comme l’a très bien décrit Pierre Dac, « parti avec trois fois rien » pour finalement arriver quelque part. J’entends beaucoup, de nos jours, qu’on ne peut plus rien faire, qu’il n’y a plus de travail et qu’il est impossible de réussir. Je dis, et j’écris, qu’avec du travail, de l’envie et la capacité de s’accrocher, on peut toujours s’en sortir. La pauvreté n’est pas une fatalité. Je l’ai connue, je sais de quoi je parle. Vous avez toujours eu la conviction de votre réussite ? C’est dans ma nature, depuis toujours, oui. J’étais convaincu que j’allais m’en sortir et par le haut. Je le voulais profondément. J’ai travaillé pour ça, très dur. Et j’y suis arrivé. Pour écrire ce livre, vous avez dû revenir en arrière sur toutes ces années. Qu’est-ce que a été le plus marquant ? Revenir sur cette jeunesse, douloureuse, a été quelque chose d’éprouvant. Vous savez, quand vous passer des années à essayer d’enfouir et d’oublier certaines choses, c’est délicat de revenir dessus sans se faire mal. Ça été très dur par moments. Mais je me suis également replongé sur bien d’autres moments, beaucoup plus heureux. Les victoires de l’équipe de France de foot, magnifiques. Quel bonheur quand on y repense… Cette passion du sport, particulièrement du football, ne vous a jamais quittée ? Beaucoup de gens pensent que je suis motivé par l’argent. Mais pas du tout. Vous pensez vraiment que quand Lionel Messi ou Cristiano Ronaldo entrent sur un terrain de football, ils pensent à l’argent qu’ils gagnent ? Quand Usain Bolt prend le départ d’un 100 mètres, il pense à sa prime ? Il pense à sa médaille d’or, au bout de la piste, ça oui. Mais l’argent, ça vient bien après. Ce n’est pas la motivation première de ceux qui aiment le sport, qui aiment le foot. Pour moi, c’est pareil.
« Dieu m’a mis sur orbite et m’a dit : ‘Si avec ça, tu ne t’en sors pas, je ne peux rien pour toi mon garçon (rire)’ ! »
Vous êtes né le jour de la bataille de Pearl Harbor. Pour être « armé » dans la vie et être prêt à tous les combats, c’est un signe… En effet, on peut dire que Dieu m’a mis sur orbite et m’a dit : « Si avec ça, tu ne t’en sors pas, je ne peux rien pour toi mon garçon (rire) » ! Ce petit garçon a ensuite grandi à Marseille, la ville dans laquelle tout est possible. Mais Jean-Claude Darmon à l’OM, c’est possible aussi ? En tant qu’actionnaire, non, jamais. Ni à l’OM ni ailleurs, d’ailleurs. J’ai trop vécu aux côtés des dirigeants et autres responsables de club de foot. Je connais parfaitement leur quotidien et les angoisses qui sont les leurs. Je ne veux surtout pas ça. Être à la merci d’un résultat sportif, dans lequel tout peut vous sourire ou à l’inverse, dégringoler, je ne peux pas vivre comme ça. En revanche, aider l’OM est un devoir pour moi. Comment pourriez-vous aider l’Olympique de Marseille ? Si Margarita Louis-Dreyfus me le demande, ce qu’elle n’a pas fait, je tiens à le préciser. Si elle me demande de l’accompagner ou de la mettre en relation avec des gens susceptibles d’être intéressés, je le ferai avec grand plaisir. Vous comprenez qu’elle puisse avoir envie de vendre ? Je le comprends totalement. Elle a repris le club pour Robert. Et elle s’en est très bien sortie au début. Mais elle n’est pas attachée à ce club, elle ne vit pas à Marseille. C’est compliqué pour elle d’investir dans un projet qu’elle ne maitrise pas, qui ne lui parle pas.
« Footballistiquement, j’ai l’impression que la France est un pays sous-développé »
Quel regard portez-vous sur l’héritage que vous avez laissé dans le monde du football ? Le monde a changé, le monde du football a énormément changé. Les droits télés, que j’ai inventés, ont une consonance énorme dans le fonctionnement actuel du marché. Les joueurs touchent des sommes astronomiques parce que les droits d’images et la retransmission télé leurs permettent de percevoir de tels salaires. Les gens ont compris que le spectacle qui plaisait le plus au monde entier, c’était le football. Donc quand Ibrahimovic perçoit plusieurs dizaines de millions d’euros chaque année, il peut venir vous serrez la main et vous remercier ? Il peut (rire) ! Mais vous savez que Just Fontaine, qui est un ami, m’a déjà traité de salopard parce que je suis arrivé au moment où lui s’arrêtait et il me reproche de ne pas être riche aujourd’hui… Si on vous confiait la marque PSG aujourd’hui, vous feriez quoi ? Le PSG est une marque formidable ! Sur le marché européen, c’est désormais l’une des plus cotées, même si Manchester United, le Real Madrid ou encore le Bayern Munich sont encore loin devant, avec deux temps d’avance sur tout le monde. Ce que font les dirigeants en place en cohérent. C’est bien managé. Après, sportivement, il y a des choses qui me gênent… Comme quoi ? Footballistiquement, j’ai l’impression que la France est un pays sous-développé. Le PSG mais tous les autres clubs également. Nos meilleurs joueurs vont à l’étranger, les produits de nos centres de formation partent également en dehors de nos frontières. Ça me dérange que nous ne soyons pas capables de garder tous ces talents. Comment construire si nos ressources s’en vont ? Ibra s’en va, sur qui miseriez-vous si vous étiez au PSG ? Luis Suarez ! Quel joueur… C’est un chiffonnier, qui se bat tout le temps. Sa préoccupation, c’est de savoir s’il va mettre 2, 3 ou 4 buts. Le reste, il s’en fout. Alors, ok, ce n’est peut-être celui qui réfléchit le plus. Mais c’est un attaquant énorme !
« Jean-Michel Aulas a systématiquement une pensée d’avance. Ce Monsieur-là a tout compris… »
Pour vendre des maillots du PSG, il y a mieux, non ? Ah oui ! Dans cette optique, il faut aller chercher Neymar, Cristiano Ronaldo ou Lionel Messi. Mais c’est très compliqué… Même quand on a les moyens énormes que sont ceux des Qataris. Je vous disais tout à l’heure qu’il n’y avait pas que l’argent. La preuve. Les joueurs choisissent aussi des clubs avec un nom, une Histoire, un projet sportif. Il n’y a pas que l’argent. Est-ce qu’il y a quelqu’un, dans le football français, qui vous rappelle ce que vous étiez pour le football à votre époque ? Il y en a un qui est au-dessus. Un seul. C’est Jean-Michel Aulas. Ce Monsieur-là a tout compris. Il a notamment compris qu’un stade, c’est un lieu de vie, un lieu de spectacle. Il a investi 250 millions d’euros en fonds propre. C’est considérable. Alors, il n’est pas seul, il a su s’entourer. Mais c’est un fonceur, avec une pensée d’avance systématiquement. Malheureusement, il a une image un peu en décalage avec ce qu’il est réellement. Les gens le voient comme un peu abrupte, mais pour ceux qui le connaissent personnellement, ce n’est pas ça du tout. C’est un mec charismatique, extrêmement généreux et déterminé. Un dernier mot sur les droits télés, votre rayon. SFR débarque avec la Premier League et une stratégie mobile. Innovante et brillante idée ? Il y a quelques temps, votre mobile était simplement votre téléphone, pour joindre vos amis, vos collègues de travail. Aujourd’hui, ce n’est plus du tout ça. Votre téléphone transporte vos mails, vos photos, vos réseaux sociaux, vos documents. Quand vous avez cet outil de communication à portée de main de tous les consommateurs, ça devient une évidence qu’il faut investir là-dessus. Patrice Drahi a très vite compris qu’il y avait quelque chose à faire. Il a l’intelligence de s’associer à un média, qui est le groupe RMC/BFM TV. C’est très intelligent.