Avant de se rendre en Espagne pour le 8e de finale retour de la Ligue des champions, Bernard Lacombe n'a pas peur du Real. Encore moins de José Mourinho, qu'il a bien analysé.
Quelle sera la véritable clé du match ? Il faut éviter nos périodes de non-match. Ces ‘temps morts’ sont catastrophiques. On a l’habitude de rendre beaucoup trop de ballons à nos adversaires. En France, ça passe parce qu’ils nous le rendent beaucoup aussi (rires). Mais contre des grosses écuries européennes, ce serait du suicide.
A Santiago-Bernabeu, l’ambiance est-elle vraiment électrique ? On a l’impression que ça sonne creux… C’est un peu surfait, c’est vrai. Mais le public madrilène est fait de spécialistes, très exigeants, très durs avec leur propre équipe. Ils ne lui font pas de cadeaux. Après une demi-heure de jeu, il n’est pas rare de voir les mouchoirs blancs s’agiter.
Pas de quoi trembler, si ? Non, ce qui m’ennuie le plus, c’est qu’on sera obligé de marquer. Et connaissant Mourinho, je sais qu’il bétonnera derrière, avec une défense très basse et quelques pressings par période. Ne comptez pas sur lui pour faire le jeu, même à Madrid. Il voudra nous prendre en contre.
Avant le match aller, Cristiano Ronaldo a joué sa montre en faisant pronostiquer le nombre de buts qu’il allait inscrire. Cela a-t-il été une source de motivation pour vos joueurs ? S’il a vraiment dit ça, c’est avec beaucoup de maladresse. Ce serait assez prétentieux. Quand on joue dans un grand club, on se doit d’être plus mesuré. J’ai entendu dire que Claude Puel avait motivé les joueurs avec cette anecdote mais c’est faux. J’étais présent à toutes les causeries, il n’a pas du tout joué là-dessus.
« Au retour, contre le Barça, le Real n’en prendra pas 5. Juste 4 »
Vous avez notamment affronté le Real de Manuel Pellegrini et celui de José Mourinho. L’effet Mourinho, justement, est-il visible ? Tout le monde en parle et cela m’amuse beaucoup. Moi, je n’y crois pas trop. Je vois surtout que Mourinho est venu à Gerland avec 7 joueurs à vocation défensive, dont 4 défenseurs et 2 milieux récupérateurs. Après, on dit qu’il avait fait un bon coaching puisque Benzema a marqué dès qu’il est entré en jeu. Pour moi, s’il avait vraiment fait un bon coaching, il l’aurait fait jouer d’entrée, non ?
En même temps, il joue tout le temps dans ce schéma tactique… Peut-être, donc il n’a pas plus de mérite que ses prédécesseurs. En 2005, lorsque Luxemburgo entraînait le Real, avec son panache, il n’hésitait pas à mettre Beckham, Guti, Robinho ou Zidane. Dans le replacement, certes, c’était plus compliqué. Fin novembre, j’imagine que les deux milieux récupérateurs devaient s’acheter des poumons !
A vous entendre, Mourinho a donc juste doté le Real Madrid d’une assise défensive ? Non, attention, je n’ai pas dit ça. Avec ses deux milieux défensifs, notamment, il a parfaitement su équilibrer cette équipe, qui était surtout connue pour ses qualités offensives. On voit que l’équilibre n’est plus aussi précaire qu’avec les Galactiques.
Pensez-vous qu’à terme, le Real Madrid puisse battre le FC Barcelone ? Je vais vous raconter une anecdote. Avant le Clasico de novembre, j’ai trouvé la composition d’équipe de Mourinho assez prétentieuse. Au Camp Nou, c’est tellement ambitieux de démarrer avec Di Maria, Ozil, Ronaldo et Benzema… J’ai donc appelé Mahamadou Diarra, pour lui dire : ‘Dis donc, dis à ton grand entraîneur de vous laisser prendre un ballon chacun à l’entraînement parce que vous ne le verrez pas beaucoup pendant le match’. Ça n’a pas loupé. Là-bas, ils en ont pris 5. A Bernabeu, au retour, ils en prendront moins. Juste quatre (rires) !
Si Mourinho ne bat jamais le Barça, il peut déjà faire ses valises… Non, je dis juste que Mourinho ne pourra pas gagner dans cette disposition tactique. A l’Inter, il a réussi à le faire une fois. C’est déjà fort. Mais il faisait jouer Eto’o arrière gauche ! Au Real, vous ne verrez jamais Cristiano Ronaldo faire ça. C’est possible mais, moi, j’ai d’énormes doutes là-dessus.