EXCLU - Philippe Sella : «Une Coupe du monde très ouverte»
Romain Amalric -
Journaliste
Journaliste depuis 20 ans, je suis homme de terrain de Canal+ sur le Top 14 et la ProD2 et correspondant pour Radio France

Légende du rugby, Philippe Sella, l’homme aux 111 sélections avec l’équipe de France, savoure cette Coupe du monde en France qui va envahir l’actualité pendant deux mois. Surtout qu’à ces yeux, évidemment, les Bleus ont tous les ingrédients pour aller au bout.

Philippe, vous avez surement apprécié le succès de l’équipe de France face à l’Australie (41-17). Les Bleus vous semblent-ils prêts pour cette Coupe du monde ?
Je pense que oui. Ils sont prêts. La dernière prestation était une belle et bonne prestation, face à un concurrent que l’on pourrait retrouver en phase finale. Dans ces matchs de préparation, on a pu voir une évolution. L’équipe de France a réussi à maîtriser de mieux en mieux le jeu qu’elle souhaite pratiquer. C’est ce qu’on ressent. Evidemment il y a encore des choses à améliorer. Mais tant que ça gagne, on ne peut qu’être satisfait de cette préparation, de voir cette équipe de France à la hauteur, de voir qu’il y a de l’animation, du plaisir partagé au sein du groupe. Ce sont des bonnes choses. Maintenant place à la la compétition.

On vous a aperçu dans les tribunes de Capbreton à l’occasion d’un entraînement des Bleus. Qu’en avez-vous pensé ? A-t-on déjà mis autant d’ingrédients dans la préparation d’une Coupe du monde ?
Les différentes Coupes du monde ont été bien préparé. Il faut voir ce groupe aussi avec le vécu qu’il a, même s’il y a quelques jeunes nouveaux. Il y a un groupe élargi qui a beaucoup arguments. C’est un plaisir de voir les entraînements. Je trouve qu’il y a une osmose. Tout le monde va dans le même sens, et jusqu’au plus haut niveau. On se sent proche de cette équipe. Ça nous rend encore plus supporter. On ressent cette équipe de France qui dans les matchs met la pression sur les adversaires, anime les rencontres avec un joli jeu offensif, et reste présent dans le combat. A Capbreton, j’ai aimé cette atmosphère de travail, mais aussi de camaraderie. Ces moments avec le grand public amènent une énergie supplémentaire. Ce rapport avec les gamins. Et pas qu’avec les gamins, parce que moi aussi j’étais heureux d’être là, autant pour moi que pour mes petits-enfants.

«Cette équipe de France maîtrise la situation»

La France est annoncée favorite. Mais ce n’est pas la seule...
Non, il y en a d’autres. Je trouve que cette Coupe du monde est très ouverte. L’équipe de France est dans le haut du panier. Mais il y a d’autres favoris : l’Afrique du Sud, l’Irlande, et la Nouvelle-Zélande, même si les All Blacks ont connu une dépression le week-end dernier. Et puis il peut y avoir une équipe qu’on n’attend pas éventuellement. La question que je me suis posé : Est-ce qu’il y en a qui cachent leur jeu ? Question à la Jacques Fouroux. Est-ce que l’Angleterre cache son jeu par exemple ? S’ils le font, ils le font bien. Je n’y crois pas trop. La meilleure des préparations, c’est de jouer son jeu, de travailler ses lancements, et la défense sur les différentes situations. Le travail de fond dans les deux mois qui précèdent la compétition est très important.

Voyez-vous cependant une fragilité dans cette équipe de France ?
La fragilité, je ne l’imagine pas parce que je ne la vois pas. Je ne la perçois pas. J’imagine cette équipe avoir une certaine maîtrise de la situation. Elle maîtrise la pression. Il y a une génération incroyable, dont certains ont déjà gagné la Coupe du monde chez les jeunes. Il y a une plus-value de confiance. Je vois plutôt des joueurs concernés, concentrés, avec une certaine sérénité. Ce que je ressens, c’est un groupe qui vit depuis un moment ensemble, et avec un fond, une stabilité.

Et avec des individualités de classe mondiale aussi…
C’est bon d’avoir des individualités dans un bon collectif. Le côté individuel performant apporte cette contradiction avec l'idée de collectif. Mais l’individualité, c’est une plus-value dans le changement de rythmes, de directions, de puissance supplémentaire. C’est un complément dans le collectif. Mais le collectif est important. Le rugby est le sport où la notion de collectif est la plus importante. Il faut du savoir-être et du savoir-faire avec les autres sur le terrain. Mais il y a aussi ce côté où chacun doit être très fort dans son jeu, dans sa partition, dans son rôle. Cette force apportera forcément au collectif. Il y a une relation étroite entre l’engagement individuel et la performance collective.

«Avec cette Coupe du monde, on rajeuni»

Ressentez-vous aussi cet engouement populaire autour de cette Coupe du monde en France ?
Oui, partout ! Dans les rues, de temps en temps, il y a des regards supplémentaires. On n’a pas besoin de se parler. On sait. Dans les différents médias aussi, il y a beaucoup plus de rugby, de rapport avec le rugby, avec les joueurs, avec cette discipline, avec cette compétition. Et effectivement, dans les clubs professionnels ou amateurs, dans les club-houses, il va y avoir des moments merveilleux, des échanges, des débats, des pronostics.

Il vous tarde ?
On y est presque. C’est bientôt. La génération de 1987, on est tous invité au match d’ouverture. Et je serai présent aux autres matchs pour des représentations. Ce sera un plaisir de partager ces moments, pour évoquer le passé et le présent. Le rugby a quand même beaucoup évolué. Il s’est mondialisé. Mais le côté convivial est toujours là. On se rencontre encore entre anciens. Les gens vont dans les stades, lisent les médias, pour savoir, pour être dedans, pour vivre le moment. Ces deux mois, septembre et octobre : Wouah ! Avec cette Coupe du monde, on rajeuni !

Philippe Sella est le parrain de la Coupe de l’Héritage. Un tournoi de rugby international qui regroupera du 2 au 7 septembre à Pontlevoy 700 filles et garçons de moins de 15 ans de 24 écoles du monde entier.

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