Pierre-Ambroise Bosse est la nouvelle attraction de l’athlétisme tricolore et un membre incontournable du Team Caisse d'Epargne. Un personnage aussi doué que fantasque pour qui Usain Bolt est un Dieu vivant. À plus d’un titre… Attention, interview aussi décapante que ses 800 mètres.
Selon une étude réalisée par la Caisse d’Epargne, la première chose que les gens attendent lorsqu’il y a les Jeux Olympiques, c’est l’Athlétisme. Ça te surprend ? J’ai trouvé cette étude super intéressante, vraiment. Ça me surprend sans m’étonner. L’athlé a toujours été le sport roi par rapport à l’Olympe : courir, lancer, sauter, c’est la base. C’est vrai que ça fait plaisir, on est toujours un peu communautaire dans notre sport. Mais quand je regarde autour de moi, parmi mes amis footballeurs par exemple : ce sont des mecs qui gagnent 50 fois plus que moi et pour autant, ils ont toujours du respect pour ce que je fais. Alors que je ne suis qu’une crotte de nez, comme beaucoup d’autres. Mais ils savent que les athlètes s’entraînent dur, tous les jours et qu’on vomit une fois sur deux. Vomir, ça rend légitime ? (Rire) Mais oui, vraiment (Il reprend son sérieux). Il y a une légitimité qui émerge quand il y a du travail, de la douleur. Les gens savent qu’un athlète, qu’un sauteur à la perche ou qu’un lanceur s’entraînent comme un malade pour réussir. Et encore plus parce que c’est un sport chronométrique. La performance est immédiatement mesurée et ça, ça parle aux gens. Après, en allant sur ce terrain-là, je pourrais te parler de dopage. Mais je n’en parlerai pas… Allez, parlons dopage… Non mais en parlant de performance mesurable, je me dis que je pourrais plus facilement pardonner le dopage dans un sport technique que dans une discipline chronométrique. C’est ce qui rend l’athlétisme encore plus beau, la performance est le résultat d’un travail et on peut la mesurer. Donc si on apprend que Zinedine Zidane s’est dopé en 1998, ça passe, parce que sa performance n’est pas mesurable par les chiffres ? Exactement. Au même titre que si c’est Djokovic : peu importe ce qu’il fait, j’adore ! Enfin, c’est l’idée… Bien évidemment qu’il faut condamner toutes formes de dopage, quel qu’il soit. C’est juste que dans les sports à performance mesurable, le dopage a plus d’impact. Tu n’as pas l’impression d’avoir choisi le mauvais sport : t’es un show-man, t’aurais dû être en NBA ou dans le football, t’aurais gagné bien plus d’argent et de popularité… Kévin (Hautcoeur), mon agent, me le dit à peu près toutes les semaines. Quand il signe des contrats dans le foot et qu’il me dit « Si t’avais été footballeur, tu ne te rends pas compte… ». Je lui dis d’arrêter de me foutre les boules, j’adore mon sport… Mais c’est assez paradoxal parce que j’adore souffrir. Je suis un peu hyperactif, tu le vois bien, je n’arrête pas de bouger. Et il y a que l’athlé qui me calme. Tu peux me mettre au tennis, dans un foot en salle, je ne vais pas être crevé. Quand je cours, si. Et j’aime ça, c’est pour ça que je suis doué. Donc je ne regrette rien. Dans le paysage sportif, dans sa globalité, il y a un sportif devant lequel tu t’inclines d’admiration, autant parce qu’il est que parce qu’il fait ? Je suis un fan absolu de Bolt. J’adorerai être aussi détendu… Tu l’es quand même un peu, on le voit dans tes interviews d’après course avec Nelson Monfort ? Oui, mais après les courses. Avant, je ne peux pas l’être. J’ai réalisé une chose récemment : je suis incapable de faire une perf’ si je ne suis pas concentré. 100% des fois où j’ai réussi, c’est que j’étais focalisé sur l’objectif, hyper concentré et ça a marché. Quand on est extraverti comme tu peux savoir l’être, ce n’est pas aller contre-nature ? Le 800 mètres est contre-nature. Ce n’est pas quelque chose de normal. J’ai participé à une étude exceptionnelle il n’y a pas si longtemps avec des chercheurs de l’armée, des militaires qui s’occupent des pilotes de chasse. Ils travaillent sur la testostérone et le Cortisol, l’hormone du stress. De mémoire, je crois qu’une personne à Paris doit être entre 15 et 20. Moi, avant une course, je suis entre 8 et 10… Donc pas du tout stressé. Je fais une séance, je monte à 25 dix minutes après ! Ça veut dire que mon corps n’est pas fait pour stresser autant. Il est tellement en panique qu’il est obligé de balancer des hormones en pagaille. Dans la réussite de Bolt, il y a justement ce facteur décontraction. Il est tellement détendu, sans pression, qu’il est capable de faire des trucs incroyables. C’est ce qui te faudrait ? Je suis incapable de répondre à cette question. Parce qu’à chaque fois que moi j’ai été décontracté, il ne s’est jamais rien passé de bien. Je pense que je dois mettre mon corps à un certain stade de stress pour pouvoir être performant. Malheureusement, j’ai peur de ne pas être fait comme Bolt pour ça… 2016, ce sont les Jeux Olympiques de Rio. Peut-être la dernière course de Bolt… C’est vrai (soupir)… Je ne peux pas m’empêcher de ressentir la fierté de faire partie de sa génération. Je me souviens encore du moment où il a explosé. Dans le milieu de l’athlé, on le connaissait déjà, on l’a vu faire 2e aux mondiaux l’année d’avant derrière Tyson Gay. C’est un champion, comme on n’en fait peu, voire pas. Et ça me fait quelque chose de me dire qu’il va bientôt arrêter. Après, ça ne sera plus jamais pareil. Personne ne pourra lui succéder ? Dans ce style, jamais. Il va y avoir un type qui va arriver, oui. Un mec qui va battre ses records, c’est certain. Avec des produits sortis de je ne sais où… Ça va descendre sous les 9’’50 et même sous les 9 secondes un jour, c’est certain. Il y a beau avoir des études qui expliquent qu’humainement, c’est impossible, mais ça va arriver. Avec le dopage, oui, bien sûr. Mais oui, un jour, il y aura un type qui va courir plus vite que Bolt. Alors il sera peut-être blanc, ou Chinois, je ne sais pas. Il sera sûrement Chinois d’ailleurs (rire)… Un type de 2,50 mètres, 120 kilos et en quatre foulées dans son 100 mètres, il tapera les 9’’58 sans souci. Par contre, ça sera jamais Bolt, l’unique, avec son charisme et sa classe. Ça, personne ne pourra jamais lui enlever.