Philippe Troussier a entraîné l'Olympique de Marseille lors des six derniers mois de la saison 2004-2005. Depuis, le "Sorcier blanc" offre ses services au Shenzhen Ruby, en Chine, et poursuit différentes missions à travers le monde (Japon, Chine, Qatar). De passage à Paris avant de s'envoler quelques jours pour Doha (Qatar), où il prévoit d'aller saluer la famille princière - dont il est un intime -, Philippe Troussier commente l'actualité marseillaise à quelques heures du Clasico.
Vous êtes à des milliers de kilomètres de la France, pourtant, vous suivez toujours l'actualité de la Ligue 1 ? Oui, toujours. Je suis de passage assez régulièrement à Paris, puisque je voyage beaucoup. Et je prends le temps de regarder ce qu'il se passe. J'ai notamment vu que ça chauffait un peu à Marseille en ce moment.
Le clash Gignac-Deschamps, justement, vous en pensez quoi ? Ce sont des choses qui arrivent tous les jours ! J'exagère un peu, mais ce genre d'évènement est courant dans la vie des footballeurs. Je ne dis pas que c'est normal, mais ça arrive. Regardez Ferguson, à Manchester United. Il a jeté une chaussure de foot dans la tête de David Beckham ! Qu’est-ce qu’on dit de Ferguson ? Que c’est un génie... Le problème n’est pas dans la relation entre Gignac et Deschamps, je pense simplement que Deschamps n’est pas fait pour le football français.
C'est à dire ? C’est un entraîneur formé à l’école italienne, il manage et pense à l’italienne. Quand il décide, le joueur doit exécuter, point. Quand il dit : « Bon, toi, tu ne joues pas », le joueur la ferme et on passe à autre chose. Le football français n’est pas comme ça, il est basé sur l’affectif. J’ai découvert ça lors que j’ai entraîné à l’Olympique de Marseille : l’importance du psychologique. C’est quelque chose que je n’avais pas vraiment expérimenté auparavant. C’est propre à la mentalité du foot français : un paternalisme permanent vis-à-vis de joueurs très fragiles psychologiquement. Des joueurs qui ont besoin d'être rassurés, aimés, mis en confiance. En France, un entraîneur doit être capable de dire à son joueur : « je t’aime ». Regardez Gerets, quand il était à l’OM. Il y avait une relation presque fusionnelle avec les gars. Et ça a marché.
Le problème, c’est que ça ne dure jamais très longtemps… Parce que mêler l’affect et le travail est un équilibre trop instable. Deschamps n’est pas là-dedans, et ça clashe. Faîtes venir Van Gaal en France, vous verrez les dégâts… Gerets est dans l’affect, Hidalgo l’était aussi. Laurent Blanc, un peu moins, mais il manie les deux, c’est sa force. Il met une distance avec le joueur mais peut se rapprocher de lui quand il le faut.
"DESCHAMPS, LA FRANCE N'EST PAS ADAPTÉE A SES MÉTHODES"
Deschamps ne va donc pas durer à l’OM ? Ça va être difficile. Je suis sûr qu’il est fait pour réussir à l’étranger, en Angleterre ou en Italie. C'est un très bon manager. Mais la France n’est pas adaptée à ses méthodes.
Entraîner à l’OM, c’est mission impossible ? Non, puisque je l’ai fait. Et j’en garde un très, très bon souvenir. Les gens et les journalistes (sourire) disent que mon passage est un échec. Nous avons fait toute la saison sur le podium et nous avons fini 5e. Je n'appelle pas ça un échec.
Revenir, pour ne pas finir sur un "échec", ça vous dit ? Non, pas du tout. Ce que je fais maintenant me convient parfaitement. Je mets en place un projet, je construis, je voyage et je profite des différentes cultures qui s'offrent à moi. Cette vie, je veux la garder. Revenir en France, ce serait y renoncer. Non, vraiment, je suis très bien comme je suis (sourire).