Du haut de ses 32 ans, Fabien Gilot est le vétéran des nageurs français en partance pour Rio cet été. L’athlète du Team Caisse d’Épargne pourrait disputer sa dernière compétition majeure avant de quitter les bassins.
Vous faites partie de la Team Caisse d’Epargne pour les prochains Jeux, que cela représente-t-il pour vous ? Une immense fierté parce que c’est la deuxième fois consécutive que je fais partie de la Team après les Jeux de Londres. Je trouve que le pari de choisir un athlète par région en amont des Jeux Olympiques, de ne pas attendre la sortie des Jeux et d’aider les athlètes qui ont réussi, est tout à leur honneur. Vous venez de remporter le 4x100m aux championnats d’Europe de Londres. Dans quelle mesure est-ce une bonne opération en vue des prochains JO ? C’est toujours bien de continuer la série. On reste invaincu depuis plusieurs éditions. Ça ne peut être qu’encourageant pour les Jeux d’ici cet été, d’autant plus qu’on a une belle équipe. Ça ne nous garantit pas le titre mais en tout cas on sera à la bagarre pour avoir une chance de le gagner. Vous êtes habitué à bien figurer dans les relais, c’est la 6e victoire de suite depuis les JO de Londres (2012). Quelle est la force de cette équipe de France ? Je me suis essentiellement concentré sur la vie de groupe, qui est primordiale. Un relais ce n’est pas juste additionner quatre individualités forte en finale. Ce sont quatre personnalités, singularités qui sont différentes mais qui pourtant en l’espace de quelques minutes sont capables de rentrer en osmose et d’aller derrière les plots comme des frères, ou même encore plus. C’est une note en laquelle je crois énormément et sur laquelle je me suis beaucoup penché ces dernières années.
« La complexité en France, ce n’est presque pas d’être médaillé international l’été, mais plutôt de prendre une place parmi les Français »
Pourtant, depuis votre sacre à Londres, ce ne sont pas toujours les mêmes nageurs qui concourent. Quelle est la recette miracle ? Je pense qu’il y a un patrimoine du 4x100m aujourd’hui. Il y a une fierté de faire partie de ce relais donc tous les jeunes qui entrent arrivent avec des qualités physiologiques, ça c’est une certitude. Ils arrivent aussi avec beaucoup de respect de ce qui a déjà été fait et des relayeurs qui sont là depuis un bon nombre d’années. Et en même temps, ils trouvent très rapidement leur place, en l’espace de quelques heures, au sein du relais. C’est ce qui fait notre réussite : être capable d’allier expérience et jeunesse. A titre personnel, avez-vous réussi à digérer votre non-qualification pour le 50 m et le 100 m aux JO ? Oui, ce sont des choses qui arrivent. J’ai été, il y a deux ans, vice-champion d’Europe. L’été dernier ça a un peu moins bien marché, cette fois-ci encore. C’est le commun des mortels du sportif de haut-niveau. Il y a des années où ça fonctionne bien, des années ou ça fonctionne un petit peu moins bien. Et encore que, si une année moins bien c’est de revenir avec un prisme olympique sur 4x100m, ça me conviendra. Avec le recul, comment expliquez-vous cette contre-performance ? Ce n’est pas une contre-performance, c’est tout simplement qu’aujourd’hui les six premiers français font partie des quinze meilleurs mondiaux. La complexité en France, ce n’est presque pas d’être médaillé international l’été, mais plutôt de prendre une place parmi les français. Il m’est arrivé très fréquemment d’en prendre une et cette fois ça n’a pas fonctionné pour moi. Ce sont les aléas du sport de haut-niveau. J’appellerais pas ça une contre-performance mais c’est plutôt le niveau français, et tant mieux pour nous, qui continue d’avancer. Et aujourd’hui les français sont très bien placés dans les rankings (classements) internationaux. Savez-vous ce qu’il vous a manqué lors des championnats de France à Montpellier ? Rien du tout. Les autres ont été plus forts. J’ai réalisé une belle course et à côté, il y a 2-3 nageurs qui ont été capables de faire quelques centièmes de mieux. On vit dans un sport où ça se joue au détail, et cette fois les petits centièmes n’ont pas été de mon côté.
« Conserver le titre et gagner une septième fois d’affilée »
Vous irez tout de même à Rio pour le relai 4x100m, est-ce un soulagement ? Un soulagement, non. C’est plutôt une fierté. On y va avec beaucoup d’ambition et avec l’envie de conserver le titre. J’ai la chance d’être de nouveau le capitaine de l’équipe de France donc ça va demander du boulot. On n’est pas du genre à se lamenter sur ce qui est passé. Ce qui est derrière est derrière. On se concentre sur ce qui nous attend. Je n’ai pas eu de place en individuel, c’est comme ça. Je me concentre sur le positif et sur ce qui nous attend dans quelques semaines afin d’être le plus performant possible. L’objectif, c’est l’or et un septième titre international d’affilée bien sûr ? Oui, exactement. C’est de conserver le titre et de gagner une septième fois d’affilée. Ce qui serait historique puisqu’il me semble que personne ne l’a encore fait aujourd’hui. Vous êtes le vétéran et le capitaine, quel est véritablement votre rôle ? Dans un premier temps de réaliser une perf’ individuelle qui me permet de faire partie du relais et surtout d’être crédible et respecté par les autres athlètes. D’abord nager vite moi individuellement, ensuite me concentrer en deuxième temps sur le lien entre les nageurs et surtout sur la bonne stratégie à mettre en place pour avoir une chance de gagner le titre. Comment cela se matérialise-t-il de votre côté ? Il y a des petits secrets que je ne vous communiquerais pas, vous vous en doutez bien, mais aujourd’hui gagner un 4x100m ce n’est pas juste additionner quatre performances individuelles. Il y a une stratégie de course pour savoir dans quel ordre on met les nageurs, on essaie de réfléchir aux relais adverses et qui on va pouvoir trouver en face de nous aux postes 1, 2, 3, 4. Et ensuite on essaie de composer avec tout ça le meilleur relais. C’est une chose qui se décide après quelques semaines passées ensemble, voir les affinités, les états de forme, il y a beaucoup de choses qui entrent en compte.
« Ce sera ma dernière olympiade, c'est une certitude »
Vous avez 32 ans, combien de temps vous voyez vous encore dans les bassins ? Ce sera ma dernière olympiade, ça c’est une certitude. Et ensuite, je pense arrêter dans très peu de temps. Est-ce que je referai une saison ? Je ne le sais pas encore ! Que souhaitez-vous à tout prix accomplir avant de mettre un terme à votre carrière ? Conserver notre titre (ndlr : au 4x100m) parce que c’est la course sur laquelle je vais prendre part. Après, au lendemain des Jeux, on se posera les questions sur ce qu’il y a à faire dans la natation et en dehors des bassins. Une fois votre carrière terminée, vous vous focaliserez sur le surf, où vous avez d’autres projets ? Le surf oui, parce que c’est quelque chose que j’aime. Il y aura beaucoup d’autres projets, reste à savoir lesquels me plairont le plus dans quelques semaines. Vous avez des pistes ? Oui, quelques-unes. Il va falloir défricher tout ça et connaître un petit peu les projets et ambitions des gens avec qui je pourrais éventuellement travailler. Propos recueillis par Amadou Diawara