L'Express n'a pas résisté et a publié en exclusivité l'interview de Raymond Domenech qui paraîtra ce jeudi, dans le journal. Le 10 Sport vous a choisi les meilleurs extraits de cet entretien.
Pourquoi sortir du silence aujourd'hui ?Parce que je suis fatigué de lire et d'entendre ce qui se dit sur moi. Tout le monde parle à ma place. J'ai envie de rétablir ma vérité. Je ne suis pas l'abruti que l'on décrit.
Cette image d'arrogance, c'est vous qui l'avez construite.C'est possible. Mais, en réagissant de la sorte, je cherchais à protéger le groupe. C'est d'ailleurs ma conception du rôle d'un entraîneur qui remonte à l'époque où j'étais joueur. Cette communication a parfois été mal interprétée, c'est vrai. Enfant déjà, mes professeurs se plaignaient de mon attitude. Lorsque je répondais simplement à une question, ils pensaient à tort que c'était de l'insolence.
A quoi ressemble votre vie depuis juin 2010 ?Je suis demandeur d'emploi. J'ai lu que certains trouvaient cela scandaleux. Mais j'ai cotisé pendant quarante ans et je ne vois pas pourquoi la loi serait différente pour moi. Dans l'ordre de mes priorités actuelles, il y a ma famille, les enfants que j'entraîne, le syndicat [des entraîneurs] et le foot, bien sûr. Je ne lui ai pas fermé la porte, au contraire. J'ai regardé tous les matchs de l'équipe de France. Je reste l'un de ses supporters. Je ressens du plaisir quand elle joue bien, de la souffrance quand elle joue mal.
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Parmi ces souvenirs, il y a l'Afrique du Sud, ce fiasco qui restera à jamais associé à votre nom. Oui, tout comme la finale en 2006... Ce que beaucoup semblent avoir oublié. Si c'était à refaire, je n'effacerais rien dans ma carrière.
Comment l'équipe de France en est-elle arrivée à ce désastre ?Je me suis peut-être trompé sur le choix des joueurs. L'équipe n'a pas bien joué: peut-être ai-je mal expliqué mon projet...
Et cet isolement des Bleus que vous avez favorisé ? Isolés, les joueurs ? Il faut arrêter avec ces histoires de "bulle". Ils disposaient non pas d'un, mais de deux, voire trois téléphones portables, de deux ordinateurs. Les infos, ils les avaient plus vite que moi ! C'était très facile de communiquer avec l'extérieur. La preuve, avec cette fameuse Une de L'Equipe qui a fait scandale. Le staff ne les empêchait pas de communiquer. Il fallait au contraire qu'on se batte pour qu'ils se présentent aux conférences de presse, car ils ne voulaient pas y aller. "S'IL Y AVAIT DES MENEURS, JE NE LES AI PAS VU"
Vous les avez protégés une fois de plus en lisant le communiqué justifiant leur grève. Cette lecture fut-elle votre plus grosse erreur ?Une erreur, c'est quand on sait qu'on est en train de faire une connerie et qu'on s'obstine. A ce moment-là, je ne cherche pas à les protéger. Je lis la lettre parce que, au bout d'un moment [il siffle en passant la main au-dessus de sa tête], il faut dire stop. Ça faisait plus d'une heure qu'on était là. Il fallait bien que quelqu'un prenne ses responsabilités et que s'arrête cette mascarade ! Toutes les caméras étaient braquées sur le bus, des centaines de gamins attendaient sur le bord du terrain, on était la risée du monde. J'ai dit: "On arrête, je n'en peux plus!" Personne ne voulait lire ce machin! J'y suis allé. Si j'avais réfléchi deux secondes, je serais parti...
Que s'est-il passé à l'intérieur du bus ? Bacary Sagna prétend avoir tout oublié. Avez-vous, vous aussi, la mémoire qui flanche ? Non. Et lui non plus... Ce qui se passe dans le bus, c'est à la fois simple et inexplicable. Les mecs remontent et disent: "On s'en va !"
Qui sont les meneurs ? S'il y en a, je ne les ai pas vus. Chaque fois que je remontais, il n'y avait plus personne... A ce moment-là, je me dis qu'ils sont devenus fous et qu'ils ne se rendent pas compte. Aujourd'hui, je sais que j'avais tort: ils savaient très bien ce qu'ils faisaient. Ils ont même fermé les rideaux du bus pour se cacher des caméras.
Tout est parti de votre altercation avec Nicolas Anelka à la mi-temps du match contre le Mexique. En quels termes l'attaquant vous a-t-il insulté ? Je ne peux pas répondre à ces questions, car une procédure est en cours sur ce point entre le joueur et le journal L'Equipe. Je rappellerai simplement que, ce jour-là, j'ai sorti Nicolas à la mi-temps. J'ai fait mon travail de sélectionneur. "JE PENSAIS QUE NOUS SERIONS CHAMPIONS" Comment qualifieriez-vous l'expérience sud-africaine ?Une vraie désillusion. Je pensais que nous serions champions.
Au coup de sifflet final, vous avez refusé de serrer la main du sélectionneur adverse. Ce geste était-il digne de votre fonction ?J'ai un défaut: je ne sais pas être hypocrite. J'aurais pu être faux cul, et le saluer la main molle, l'oeil en coin. Mais non, désolé, je ne sais pas faire. Il nous avait insultés en affirmant que notre qualifica-tion était honteuse, traitant Thierry Henry de tricheur. Moi, je défends toujours mes joueurs. Je comprends que mon attitude ait pu choquer. Mais il faut également tenir compte du contexte, de la pression.
On a l'impression que vous n'avez aucun regret...Si c'est l'impression que je donne, alors je suis mauvais en communication. Soyons clairs: je me suis planté, je n'ai pas dû choisir les bons joueurs ni trouver les mots qu'il fallait. Je n'accepte pas la critique des politiques ni celle des anciens joueurs reconvertis dans le journalisme, mais cela ne m'empêche pas de tirer mon propre bilan.
Regrettez-vous de ne pas être parti?Avec le recul, effectivement, je me dis: "Pourquoi n'as-tu pas démissionné'" Tout était faussé. J'ai manqué de lucidité. Je me demande même pourquoi personne ne m'a obligé à démissionner.
Parlons de votre avenir: on vous a vu dans une publicité. On a aussi parlé d'une émission de télé-réalité sur TF1... Quels sont vos projets ?Mon problème, c'est que je voudrais tout faire. Même la campagne électorale! La publicité fut une respiration ponctuelle. J'avais envie de quelque chose qui ne relève pas de la provoc, qui soit plutôt un clin d'oeil. Je n'ai surtout aucune envie de polémique. On m'a fait des propositions pour le théâtre, pour le cinéma... Rien à la télévision, non. Sincèrement, comment peut-on m'imaginer dans une émission de télé-réalité ?
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