Marat sa fin est arrivee
La rédaction

Pour son dernier tournoi, Marat Safin n'a pas réalisé d'exploit. Tombeur d'Ascione au premier tour, le Russe, «qui a fait chavirer beaucoup de c'urs», dixit Forget, n'a pas passé l'obstacle Del Potro au deuxième tour de Bercy (6/4 5/7 6/4). Retour sur une carrière pas tout à fait comme les autres.

«Vous croyez vraiment que je peux battre Del Potro? » Safin était lucide. L'obstacle qu'était la montagne argentine était bien trop haut pour un joueur «impatient d'en finir». Mais au-delà de cette dernière défaite qui clôt une saison difficile (6/4 5/7 6/4), le grand Russe a remporté dans sa carrière presque autant de victoires de prestige qu'il n'a cassé de raquettes. Et malgré son caractère bien trempé, Marat s'éclipse en faisant l'unanimité.

Safin vu par ses pairs :

Jo-Wilfried Tsonga, numéro 1 français : « Son franc parler va me manquer »

« Son franc parler va me manquer. J'aimais bien lire ses réactions et ses conférences de presse dans les journaux. »

Albert Costa, capitaine de l'équipe d'Espagne de Coupe Davis : « Peu de joueurs comme lui »

« Safin a été un très grand joueur. Un joueur avec un caractère ? disons ? très spécial, non? (rires) C'est forcément dommage qu'un tel joueur prenne sa retraite aussi jeune. C'est dommage pour le tennis que les joueurs charismatiques quittent le circuit. Car des joueurs comme lui, il y en a vraiment peu. »

Fabrice Santoro, jeune retraité : « Il a tout en plus. Mais je l'ai souvent battu »

« Sur ma fiche Safin, j'avais noté qu'il fallait qu'il casse une raquette (rires). Quand il s'énervait, ça devenait compliqué pour lui. Il est hyper talentueux, il a dix fois plus d'armes que moi, il sert plus fort, il bouge mieux, il a un meilleur revers, un meilleur coup droit. Il a tout en plus. Mais je l'ai souvent battu. Il a eu un complexe contre moi. D'ailleurs, il a dit : « n'importe qui peut battre Fabrice. Sauf moi! »

Guy Forget, capitaine de l'équipe de France de Coupe Davis : « Il aurait pu gagner entre 5 et 10 Grands Chelems »

« Marat était un joueur comme on aimerait en avoir et en voir plus sur le circuit. Un joueur très sympathique qui a fait chavirer beaucoup de c'urs dans les gradins. J'ai quand même un petit regret, qu'il n'ait pas joué son meilleur tennis plus longtemps. C'est un joueur extraordinaire, adoré du public. Il n'a pas toujours montré son vrai visage. Il fait partie des joueurs qui auraient pu être « galactique ». Il l'a été à certains moments, mais a toujours manqué de consistance. Il aurait pu gagner entre cinq et dix grands chelems. Mais c'est aussi ce qui a fait son charme. On ne peut pas le juger sur ses écarts ou ses petites défaillances. Beaucoup envient ne serait-ce que son palmarès, moi le premier. »

Magnus Norman, entraîneur de Robin Soderling : « Un très bon gars »

« De Marat, je me souviendrai de notre rencontre en quarts de finale de Roland-Garros en 2000 (victoire du Suédois 6-4, 6-3, 4-6, 7-5, ndlr). C'était un grand match que j'avais remporté. Je me souviendrai aussi de sa rencontre contre Thomas Johansson en finale de l'Open d'Australie (victoire du Suédois 3-6, 6-4, 6-4, 7-6, nldr). C'est un type qui a toujours été très sympathique. Un très bon gars. Il a eu une grande carrière, il a été numéro 1 mondial. Je pense que lui et son caractère vont beaucoup manquer au tennis. »

Jérémy Chardy, 31e joueur mondial : « Je l'adore »

« Safin, je l'adore vraiment. J'adore la façon dont il jouait, même s'il s'énervait vite. Un grand respect pour lui. Je retiens surtout sa demie en Australie en 2005 contre Federer (victoire de Safin 5-7, 6-4, 5-7, 7-6, 9-7, ndlr). »

Patrice Dominguez, ancien DTN : « Une allure et une classe terribles »

« Marat, c'est un charisme, une autorité, une force extraordinaire. Un mélange entre la force et la classe. C'était un joueur d'une force incroyable, d'une qualité de jeu exceptionnelle mais aussi une allure et une classe terribles. Je retiens surtout deux matchs : celui contre Philippoussis en finale à Bercy en 2000 (victoire de Safin 3-6, 7-6, 6-4, 3-6, 7-6, ndlr) . Et son plus beau fait d'arme, sa victoire en finale de l'US Open 2000 contre Pete Sampras (6-4, 6-3, 6-3, ndlr). C'est peut-être là qu'il a tout accompli et tout perdu. Il avait fait beaucoup la fête pendant cette semaine là, et gagner dans ces conditions n'était lui rendre service. Il a pu penser que c'était cela la formule magique mais ça ne l'est pas. »

Fernando Gonzalez, 11e joueur mondial : « J'ai aimé le regarder jouer »

« Je l'ai joué souvent. En Coupe Davis à Moscou, en cinq sets à Wimbledon. Un grand joueur que j'ai aimé regarder jouer, avec beaucoup de charisme. C'est triste que des joueurs comme lui se retirent si jeunes du circuit. »

Ces Français qui ont fait tourner Safin en bourrique :

1998 : A 18 ans, Marat est la révélation du tournoi. Mais après avoir sorti tour à tour Kuerten puis Agassi, le jeune russe tombe contre Cédric Pioline au terme d'une rencontre de haut-niveau.

Défaite contre Pioline 7-5, 4-6, 6-7(5), 6-4, 6-4

2001 : A 20 ans, Fabrice Santoro est déjà pour lui une bête noire. Un adversaire honni qu'il rencontre dès les 32e de finale à Roland-Garros. Une fois de plus, il ne parvient pas à déjouer les coups tordus de Santoro. Clin d'oeil de l'histoire, c'est lors du même tournoi de Bercy que les deux joueurs rangent définitivement leur raquette. Avec un bilan dans leurs confrontations favorable au lutin tricolore (7 victoires à 2).

Défaite contre Santoro 6-4, 6-4, 4-6, 0-6, 6-1

2002 : L'année de l'éclosion de Paul-Henri Mathieu. Face à ce jeune Français intrépide, Safin plie sous les coups de boutoirs (sa spécialité) en demi-finale de son tournoi, celui de Moscou.

Défaite contre PHM 7/6 6/4

2009 : Sa dernière apparition à Roland Garros, le 27 mai 2009, est marquée, une nouvelle fois, par une défaite contre un jeune français, Josselin Ouanna.

Défaite contre Ouanna 7-6, 7-6, 4-6, 3-6, 10-8

En bonus, une petite vidéo en hommage aux raquettes qui ont accompagné avec courage la carrière du Moscovite :

« J'ai dû casser environ 500 ou 600 raquettes dans ma carrière, confiait-il dernièrement à l'Equipe. Quand on y pense, beaucoup de joueurs qui jouaient avec une Head Prestige cassaient leur raquette. Ivanisevic, Arazi ? Ces raquettes sont trop fragiles! »