Biathlon, le fléau du dopage
La rédaction

Alors que le biathlète norvégien Johannes Thingnes Bø se dit prêt à prendre la relève de Martin Fourcade comme porte-étendard de la lutte contre le dopage, l’actualité nous rappelle à quel point ce combat est primordial. Un combat pour l’honnêteté et la santé des athlètes qui ne doit cependant pas basculer dans des excès qui risqueraient de lui faire perdre sa crédibilité.

La relève est assurée

Cinq fois champion olympique, sept fois vainqueur du classement général de la Coupe du monde et treize fois champion du monde : Martin Fourcade restera dans les mémoires comme l’un des meilleurs — si ce n’est le meilleur — biathlètes de l’histoire. Mais on se souviendra également de lui pour son combat sans répit contre le dopage ; qu’il partageait avec son alter ego féminin Gabriela Koukalova. Or, maintenant que les deux champions ont pris leur retraite — le Français en mars 2020, la Tchèque en mai 2019 — qui va reprendre le flambeau de la lutte contre ce fléau qui frappe le biathlon, au même titre que les autres sports  ?

Interrogé par le quotidien norvégien Dagbladet, le triple champion du monde Johannes Thingnes Bø s’est dit prêt, en exprimant son engagement en ces termes : «  Il est important d’avoir des gens qui prennent position. Jusqu’à présent, je pense que [Martin Fourcade et Gabriela Koukalova] ont fait un excellent travail pour notre sport et puisqu’ils ont pris leur retraite, de nouveaux visages doivent leur succéder  ». La relève est donc assurée, et Martin Fourcade peut profiter de sa retraite bien méritée l’esprit tranquille, la lutte contre le dopage étant une guerre de longue durée qui loin est loin d’être finie, comme nous le rappelle l’actualité récente. 

Ainsi, pas plus tard que le 29 septembre dernier, le Dr Mark Schmidt, interpellé en Allemagne cet été, a reconnu devant le tribunal de Munich les faits de dopage dont il était accusé : il a avoué être l’instigateur d’un réseau de dopage par transfusion sanguine impliquant des cyclistes et des fondeurs, et ce depuis 2012. Dans une déclaration lue par son avocat, il a cependant affirmé n’avoir jamais mis les athlètes en danger et ne pas s’être enrichi par ces opérations illégales, les 5 000 à 30 000 euros d’« honoraires » qu’il réclamait pour ses services illégaux ne servant selon lui qu’à couvrir ses frais. Les accusations remonteraient aux Championnats du monde de ski nordique de 2019 qui se sont tenus à Seefeld, en Autriche. Cinq athlètes avaient alors été arrêtés pour dopage, et les amateurs de cette discipline ont en mémoire la triste vidéo dans laquelle on voit le skieur autrichien Max Hauke s’effectuer lui-même une transfusion sanguine.

Gare à l’excès de zèle

L’affaire Schmidt est un exemple parmi d’autres de l’activité judiciaire contre le dopage qui, si elle est plus que jamais nécessaire, doit prendre garde à ne pas basculer dans l’activisme. Le 20 octobre prochain, le Tribunal arbitral du sport de Lausanne examinera le cas du biathlète russe retraité Evgeny Ustyugov. Celui-ci a été impliqué, en 2018, avec trois autres athlètes russes dans une affaire de dopage portant sur la période 2012-2015  ; et en février dernier, le double champion olympique a été reconnu coupable par l’Union internationale de biathlon (IBU) d’utilisation oxandrolone, un produit dopant interdit dérivé de la testostérone. Or, Evgeny Ustyugov ne cesse de plaider son innocence : «  Il y a une calomnie contre moi, que je n’aurais jamais pu imaginer, même dans mon pire cauchemar. (…) Dans toute ma carrière, je n’ai pas eu un seul test de dopage positif  », affirme-t-il dans une interview accordée à Sport-Express.ru. En effet, sa condamnation n’a jamais reposé sur un test antidopage « physique », mais d’une simple anomalie repérée dans les bases de données informatiques des instances du sport.

Le doute en faveur de l’athlète est permis, car ans un premier temps, l’IBU aurait reconnu que les «  anomalies étaient génétiquement expliquées  », avant de changer d’avis. En effet, Evgeny Ustyugov, serait porteur d’une mutation génétique rare affectant la production d’hémoglobine, entraînant ainsi des taux systématiquement élevés encore aujourd’hui, six ans après qu’il ait pris sa retraite.

Une affaire qui aurait déjà coûté des centaines de milliers de dollars en frais de justice à Evgeny Ustyugov et dont les hésitations scientifiques ne sont pas sans rappeler le cas de sa compatriote biathlète Olga Zaïtseva. Elle aussi accusée de dopage, un de ses échantillons d’urine présenté comme preuve contenait l’ADN de deux personnes. Une preuve de dopage présentée comme irréfutable par le CIO, jusqu’au moment où, des années plus tard, des experts ont identifié cet ADN étranger, qui était en fait celui du mari d’Olga Zaïtseva et qui s’était probablement retrouvé mêlé à l’échantillon suite à un rapport sexuel ayant eu lieu peu avant le test…

Ainsi, s’il est indéniable que la lutte contre le dopage est fondamentale, les instances compétentes doivent veiller à éviter un excès de zèle qui pourrait sur le long terme — et en particulier lorsque celui-ci a une origine plus politique que scientifique — ternir la légitimité de la lutte anti dopage. Dans ce domaine comme partout ailleurs, l’enfer est souvent pavé de bonnes intentions. La division antidopage du Tribunal arbitral du sport (TAS) a donné raison à l'Union internationale de biathlon (UIB) dans l'affaire du passeport biologique du biathlète russe Evgeny Ustyugov. L'équipe de défense d'Ustyugov a déclaré que l'athlète russe ne s'était jamais dopé dans sa carrière et qu'elle ferait appel de la décision.

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