Franck Logbi Henouda, le dénicheur de talents brésiliens est toujours là
Alexis Bernard -
Rédacteur en chef
Footballeur presque raté, j’ai choisi le journalisme car c’est l’unique profession qui permet de critiquer ceux qui ont réussi. Après avoir réalisé mon rêve de disputer la Coupe du Monde 2010 (en tribune de presse), je vis de ma passion avec le mercato et les grands événements sportifs comme deuxième famille.

Depuis 30 ans, Franck Logbi Henouda œuvre dans l’ombre pour dénicher des pépites du football brésilien et leur permettre d’exploser en Europe. Grand artisan du projet qui a fait la réussite du Shakthar Donestk, il continue de proposer ses services, son réseau et son imperturbable sourire avec une réussite toujours présente. Portrait.

L’histoire de Franck Logbi Henouda pourrait être un scénario qui trône sur le bureau d’un producteur de Netflix, prêt à être produit pour les écrans, petits ou grands. Elle démarre au début des années 1990, lorsque ce jeune homme au sourire pétillant devient chef des sports et animations du prestigieux club des Pyramides, à Port-Marly. Fort d’une expérience de 10 années au Club Med en tant que GO, au cours de laquelle il a rencontré de nombreux joueurs de foot de l’époque comme Claude Puel, Didier Six ou encore Bruno Germain, Franck Logbi Henouda continue d’entretenir ce réseau du ballon rond en invitant tous les joueurs du PSG et du Matra-Racing. Il créé une carte VIP qui lui permet d’attirer de nouvelles stars comme Luis Fernandez ou David Ginola. Franck Logbi Henouda sympathise avec les joueurs, les épouses et les familles. Un projet de restaurant – discothèque en bord de plage l’emmène ensuite au Brésil, du côté de Buzios, cité balnéaire à quelques encablures de Rio de Janeiro. « C’est un peu le Saint-Tropez brésilien, explique l’ancien « gentil organisateur ». Et là-bas, je fais la connaissance des plus grands noms du football de l’époque, Pelé, Jairzinho, Paulo Cesar, Zico, Edinho… Et un jour, je tombe sur Jairzinho, qui parle un peu français depuis son passage à l’OM. Et c’est là que tout commence… »

Le vrai Ronaldo pour 50 000 $

Sans internet ni réseaux sociaux, le recrutement de l’époque au Brésil se résume bien souvent à des K7. Et Franck Logbi Henouda va tout simplement revenir en France avec des K7 confiées par Jairzinho avec plusieurs profils de joueurs prometteurs. Proche de Luis Fernandez, Franck Logbi Henouda montre les K7 de trois jeunes brésiliens à l’entraîneur de Cannes. « Je me souviens, on était à Clairefontaine parce que son équipe était en mise au vert avant de jouer Créteil pour la dernière journée de deuxième division. Luis regarde les K7 et il me dit : ‘Je veux les trois !’ Luis a vite vu que c’était des très bons joueurs, prometteurs ». Le souci, c’est que l’AS Cannes n’a pas les moyens de s’offrir ces futurs cracks. Malgré l’accord de Luis Fernandez, le deal ne se fait pas. Parmi les trois joueurs proposés, il y avait un certain Luiz Nazário da Lima, plus connu sous le nom de Ronaldo. Le Brésilien, le « vrai », l’immense. « Pour 50 000 dollars, Cannes aurait pu réunir Zidane et Ronaldo (rire). Luis en parle encore aujourd’hui… »

Lucescu arrive en Ukraine…

Dans les années 90, les clubs français n’ont pas encore mis en place de véritable stratégie de recrutement en Amérique du Sud. Une aubaine pour Franck Logbi Henouda, qui en profite pour s’imposer comme l’incontournable intermédiaire pour un marché en or. Il contacte alors ses amis de l’époque, Joël Bats, Safet Susic et profite d’un bouche-à-oreille conséquent pour être de plus en plus sollicité. Lors de l’été 1998, Charles Biétry, aux commandes du PSG, souhaite préparer le possible départ de Bernard Lama. Franck Logbi Henouda propose immédiatement Claudio Taffarel. Finalement, Lama reste à Paris et le dossier Taffarel se conclut avec Galatasaray. Franck Logbi Henouda continue de grandir et ses excellentes relations avec le club turc lui permettent de rencontre un certain Mircea Lucescu, qui sera le bâtisseur du célèbre projet du Shakthar Donetsk, en Ukraine. Avec Henouda, le duo va construire la plus grande réussite de la filière brésilienne en Europe. Brandao, Fernandinho, Fred, Willian ou encore Douglas Costa ont tour à tour brillé au Shakthar avant d’être revendu à prix d’or dans des clubs européens chaque saison plus nombreux à faire leur marché du côté de Donetsk. « Je me souviens encore quand Lucescu m’appelle. Il me dit : ‘Franck, je pars au Shakthar. Moi, je ne savais même pas où c’était, ça (rire). Je ne savais même pas que ça existait ! Je lui demande même dans quel pays ça se trouve ! Il me dit de prendre l’avion et de venir. J’y vais… Première réunion avec le président. Il nous dit : ‘on va avoir la plus grande équipe, on va construire le plus grande stade, on va acheter des joueurs de folie…’ Lucescu lui répond de suite : ‘Non, on ne va pas faire comme ça, on va faire un projet. Le stade, ok, si vous voulez. Le centre d’entraînement aussi, si vous voulez. Mais les joueurs, on va faire un projet. On va prendre des Brésiliens, de 18/20 ans. Et on va les développer ici. Parce que si on prend des joueurs de Porto, de Milan, de Madrid, ils vont vouloir repartir tout de suite. Les Brésiliens, ils arrivent en Europe pour leur première expérience, ça va aller, ils vont rester. Et ça a marché… ».

Henouda, toujours incontournable

Toujours en lien étroit avec le Shakthar Donetsk, Franck Logbi Henouda continue d’œuvrer sur la filière brésilienne. Sa réputation et ses résultats des dernières saisons parlent pour lui et lui permettent d’être sollicité par les plus grands clubs européens, avec qui il collabore régulièrement à travers trois associés, au secteur bien défini (deux en Europe, un en Arabie Saoudite). Et dans un marché brésilien, très différent du secteur européen, Frank Logbi Henouda sait faire : « Ici, il y a souvent des sacs de nœuds sur les droits autour des joueurs (sourire). J’ai 30 ans d’expérience, je sais comment gérer tout cela et les clubs s’appuient sur moi pour s’éviter tous ces nœuds à la tête ». Comme pour l’intégration des joueurs brésiliens en Europe, une autre de ses spécialités. « Je veux bien qu’on travaille un recrutement avec de la Data, c’est bien, ‘’à l’américaine’’. Mais quand tu regardes les derniers brésiliens qui sont arrivés dans le championnat de France, à l’OM ou à Nice, par exemple, je ne pense pas que la Data soit utile pour favoriser l’intégration et l’adaptation des joueurs… Et on voit ce que ça donne. A part Lyon, personne ne met en place de choses pour faciliter l’intégration de ces joueurs qui arrivent d’un autre pays, d’un autre continent. Toutes ces années, j’ai pu faire venir 26 joueurs au Shakhtar et bien plus dans toute l’Europe En France, j’ai amené des garçons comme Maicon à Monaco, Marcelinho à l’OM, Wendel, David, Henrique, Eduardo Costa et Paulo Miranda à Bordeaux, Adailton, Ceara au PSG ou encore Michel Bastos à Lille. Sur tous ces nombreux joueurs venus en France et en Europe, il n’y en a pas un qui est rentré au pays. Pas un seul. » Entre savoir-faire, sourire et réseaux, Franck Logbi Henouda dénote dans un marché qu’il continue de maîtriser. Même sans Data…

Avec Quentin Bionier

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