EXCLU : Patrick Montel, «c’est sûr que je commenterai les JO, sauf si je meurs avant»
Jean de Teyssière

Pendant près de 40 ans, Patrick Montel a été la voix du sport français. Le natif de Paris a débarqué à France Télévisions en 1983 et y a commenté du football, de l'athlétisme, du ski alpin, du basket et surtout les Jeux olympiques. Évincé en 2019 suite à des propos polémiques sur le dopage, il est revenu, en exclusivité pour le10sport.com, sur son rêve de commenter les Jeux olympiques de Paris 2024. Entretien.

Lorsque vous avez appris que les JO se dérouleraient à Paris en 2024, quelle a été votre première réaction ?

« Une réaction un peu schizophrénique. J’ai deux types de réactions : une à chaud et une distanciée. Lors de la réaction à chaud, je me suis dit que c’était fabuleux ! J’avais participé à la consultation précédente qui avait débouché sur un échec et lorsque j’ai appris que Paris avait les Jeux, j’ai tout de suite pensé à 1924, le centenaire. Je trouvais formidable de vivre les Jeux de son vivant, dans son jardin. L’autre réaction a été teintée de savoir quels sont des JO réussis. Quand est-ce qu’on peut dire que les Jeux sont réussis. Ça demande un investissement très important, ça va coûter très cher à la communauté. Il y a des tas de gens en France qui n’en ont rien à foutre des Jeux olympiques. Il faut qu’il y ait un héritage. Je suis entre l’excitation de vivre quelque chose d’unique et le questionnement de savoir s’il y aura un héritage c’est-à-dire est-ce que l’on sera plus sportif après les Jeux qu’avant. »

On a vu que certaines éditions des Jeux, comme à Rio, Sochi ou Athènes, avaient eu des conséquences désastreuses avec l’abandon total des infrastructures sportives…

« Bien sûr. Il y a une alchimie à trouver. Il faut éviter le gâchis et faire en sortie que les équipements perdurent, que l’envie de faire du sport soit développée chez les plus jeunes dans les écoles, partout ! On a une responsabilité. Ceux qui disent aujourd’hui que l’on en demande trop au sport et que les Jeux olympiques c’est juste la grande fête des athlètes et des gens qui aiment le sport, je trouve que c’est extrêmement insuffisant. Les Jeux olympiques demandent un effort national, de tous les citoyens qui vont forcément devoir payer d’une manière ou d’une autre les Jeux. Par conséquent, il doit y avoir un héritage qui dépasse le simple cadre sportif, il faut que cela aille au-delà. »

Teddy Riner, Florent Manaudou et Frédérick Bousquet estiment tous les trois que la France n’est pas un pays de sport. Les rejoignez-vous ?

« Je pense que la France n’est pas un pays de sport. Non pas parce que les sportifs de haut niveau n’ont pas l’aide qu’ils jugent nécessaire mais c’est parce que ce n’est pas dans notre culture de considérer le sport comme d’autres matières enseignées à l’école. Dans une première vie, j’ai été professeur et je sais très bien le peu d’importance qu’on accordait aux professeurs d’EPS dans les conseils de classe. Lorsqu’un élève était brillant en sport, mais nul en maths, il payait cher. Si la situation était inversée, il ne payait rien du tout. A la base on n’éprouve pas ce ressentiment que le sport est quelque chose de capital dans la santé de celui qui va grandir. C’est en cela que la France n’est pas un pays de sport. »

Est-ce que vous pensez que l’athlétisme français aux JO sera une catastrophe ?

« Cela dépend de ce que l’on appelle une catastrophe. Si la catastrophe, c’est de ne pas avoir de médaille, ce sera peut-être une catastrophe. Mais la catastrophe, ce n’est pas ça. Il faut juste reprendre l’athlétisme pour ce qu’il est. C’est une pratique universelle. Il suffit d’avoir une piste correcte, des baskets et un short. L’Équateur, le Venezuela, les Fidji ou l’Inde peuvent rivaliser avec n’importe qui. Être champion olympique, c’est être le meilleur du monde. L’athlétisme, c’est une des disciplines les plus dures car tout le monde peut concourir. »

Mais quel athlète français pourrait décrocher une médaille aux JO ?

« Je pense qu’on a des chances de médailles. Qui ? On a plusieurs options. Je mettrais bien une pièce sur Yannis Meziane (800m). Je miserais bien sûr lui. La compétition décidera. Thibault Collet peut avoir une médaille à la perche. Wilhem Belocian et Just Kwaou-Mathey peuvent avoir une médaille sur 110m haies. Maintenant, une médaille sûre en athlétisme ça n’existe pas. »

Vous avez réussi à être accrédité pour les JO de Paris ?

« Non. Mais je n’ai pas besoin de ça pour commenter. Je commente n’importe où, n’importe quand. Personne ne peut m’empêcher de commenter. C’est sûr que je commenterai. Sauf si je meurs avant. »

Comment on s'y prépare lorsqu'on sait qu'on ne sera pas dans le stade ?

« Je prépare les Jeux pour les commenter différemment. J’ai trouvé une idée qui est pas mal. Je vais les commenter pour ceux qui en sont privés. Toutes les semaines, je suis sur des trails différents. Je suis très sollicité pour des conférences olympiques. Ça fait 4 ans que j’ai quitté France Télé et je suis content de mon rebond. Je m’aperçois que je n’ai jamais autant travaillé que depuis que j’ai quitté France TV. Je n’étais pas à 100%, pas à bloc. Là, je le suis. »

Comment l’expliquer ?

« Car tu travailles en fonction des droits. Soit ton sport est diffusé et tu bosses dessus, soit ce n'est pas le cas et tu passes ton tour. Il y a aussi les reportages mais ça coûte cher. Soit on te paye la possibilité d’aller en reportage et là t’es occupé, soit on te dit non c’est trop cher et tu passes aussi ton tour. La télé c’est toujours aléatoire en matière de charge de travail. Maintenant à Radio Montel, je suis tout seul donc je m’occupe de tout. »

Votre départ de France Télévisions est-il vraiment lié à vos propos sur le dopage en 2019 ?

« C’est des conneries. Tout le monde sait que j’ai juste dit la vérité. On a déformé mes propos, je ne sais pas pourquoi. Je n’ai jamais dit que tout le monde était dopé. En revanche, dire que le dopage est consubstantiel du sport de haut niveau, je persiste et je signe. On a des exemples tous les jours. Le dopage fait partie intégrante du sport de haut niveau. Le vrai argument de mon éviction, c’est l’âge. Il arrive un moment, ou dans le droit français, il y a une mise à la retraite. Le seul problème, c’est que quand tu es passionné, quand tu as l’impression de ne jamais avoir travaillé, comment tu peux imaginer être à la retraite ? Ce n’est pas de la faute de France TV, mais c’est de ma faute à moi, d’avoir été passionné et de dire que je n’ai jamais bossé. Si on me permet de commenter dans le stade, en direct, la finale du 100m, je dis à la personne qui me le permet, combien je lui dois. Je paierai pour faire ça. Je trouve ça tellement bête de juger les gens sur leur âge. J’ai connu des vieux cons de 27 ans et j’ai connu des jeunes fantastiques de 90 ans. Les gens qui n’ont comme argument que l’âge sont des gens qui n’ont pas confiance en eux. La passion n’a pas d’âge. »

Vous en voulez à Kévin Mayer ? Ses propos sur Twitter ont mis le feu aux poudres.

« Je ne lui en veux pas du tout. Je peux comprendre que sur une information biaisée, on réagisse d’une manière violente. J’en veux plus aux gens qui ont balancé des fake news. Je pense que Kevin a été abusé, car j’ai jamais dit que tout le monde était dopé, surtout pas lui. J’espère au contraire qu’il va être champion olympique et je serai son premier supporter. S’il l’est, je fais péter le champagne. Mais il n’y a aucun problème, aucune amertume. »